Isaac c’est donc le fils tant attendu par Abraham, celui que Dieu avait promis comme descendance. Abraham avec cette promesse, avait même reçu un nouveau nom. Non seulement Abram, mais Abraham : Père de la multitude.

Après des décennies à attendre cet enfant, voici qu’Abraham reçoit cet ordre d’offrir son fils en sacrifice.

Devant cet ordre, il y a deux lectures possibles :

  1. La manière épouvantable qui imagine Dieu qui donne cet ordre pour le seul plaisir de tester l’obéissance d’Abraham. Et seulement à la dernière minute le contrordre qui retient le couteau d’Abraham. Mais ça c’est une lecture païenne. Dieu qui récompense et punit de manière arbitraire.
  2. La deuxième lecture est celle de la foi. Ce texte est écrit au moins 1000 ans après Abraham, et tout le monde sait que Isaac a survécu et est mort à un âge très avancé. Ce n’est donc pas un film a suspens qui est proposé. Quand ce texte est écrit, on sait bien que Dieu refuse les sacrifices humains, et ce depuis toujours. Oui mais tous les peuples environnants, quant à eux pratiquent des sacrifices humains, et en particulier des sacrifices d’enfants pour leur divinité.  Cette interdiction n’est pas si facile à tenir. Pour nous ça nous choque, mais dans une société où c’est la norme, il faut une conversion de regard et de pensée pour passer des divinités qui réclament la mort, au Dieu véritable qui est celui de la vie.

Pourtant il est bien écrit que Dieu a voulu éprouver Abraham. Oui c’est vrai, mais les scribes hébreux ont indiqué qu’il faut entendre ce verbe dans sa pleine sonorité. Et il y a un autre verbe qui est un homophone, qui se prononce également NASSA, comme le verbe « éprouver », mais qui veut dire porter. Ainsi les scribes nous invitent à toujours entendre les deux verbes en même temps. Éprouver et porter… Dieu n’éprouve pas sans porter en-même temps, il éprouve en portant. Dans l’épreuve est en même temps donnée l’aide de Dieu qui porte.

Ce texte est donc celui de la conversion du regard d’Abraham sur Dieu.  Par cet épisode Dieu ne teste pas l’obéissance d’Abraham mais plutôt sa foi ; comme si Dieu lui demande : quelle image as-tu de moi ?  Est-ce que tu me vois comme un Dieu qui réclame que tu tues ton fils pour moi ? Tu te trompes ! Est-ce que Dieu va oublier sa promesse, celle de donner à Abraham une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel ? Est-ce que Dieu a renoncé à cette promesse ? Non, et d’ailleurs il va la réaffirmer avec force : C’est bien par Isaac, ton fils, ton unique, que la promesse se réalise. Mais quand même… Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils. Oui, est c’est là un point central. Grâce à la foi d’Abraham, nous avons découvert quelque chose de nouveau dans la révélation. Quand Dieu demande de sacrifier cela ne veut pas dire qu’il demande à ce que l’on tue pour lui plaire. Abraham a découvert que cela veut dire : Fais-le vivre, mais sans oublier que c’est moi qui te l’ai donné.La conversion de regard c’est que sacrifier veut dire offrir à Dieu pour affirmer la vie, et non la mort, pour faire vivre et non pour faire mourir. Abraham a dû apprendre cela, il a dû renoncer en quelque sorte à ses droits sur son fils, pour le donner à Dieu de qui il l’avait reçu. Et nous avons à faire pareil : nous devons rendre à Dieu ce qu’il nous donne, non pas en le vouant à la mort ou la destruction mais au contraire dans un sacrifice de louange et d’action de grâce. D’ailleurs en hébreux le terme sacrifice a la même racine que le verbe offrir : littéralement cela signifie : offrir en offrande.  En toute chose et pour toute chose, nous devons rendre grâce, donc avoir un rapport eucharistique à la création et à toute créature : à savoir user de tout avec reconnaissance et se souvenant que nous n’avons rien qui ne nous soit donné par Dieu. Dès que nous oublions cela, une logique de mort se met en place. L’action de grâce est un sacrifice pour la vie, l’oubli de Dieu conduit à un sacrifice vers la mort. Or Dieu ne veut jamais la mort de l’homme. « Dieu ne veut même pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. » comme dira le prophète Ézéchiel. Celui qui prendra la place d’Isaac c’est un bélier. Ce bélier préfigure le jour où l’agneau véritable, l’agneau pascal, sera offert pour l’humanité. C’est un nouveau pas dans la révélation : Dieu lui-même vient offrir son Fils pour nous. Finalement, ce n’est pas Dieu qui éprouve l’homme, mais l’homme qui met Dieu a l’épreuve. Nous lui demandons des preuves. Puisque nous avons besoin de preuves, l’apôtre Paul nous en donne : « Christ est mort pour nous alors que nous étions pécheurs. » Dieu avait dit à Abraham, Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes Sur la montagne du Tabor Dieu révèle que lui-même donne son fils, son unique, celui qu’il aime, pour nous sauver.

Après la transfiguration sur la montagne du Tabor, c’est une nouvelle période de la vie de Jésus qui s’ouvre. Désormais il ne fait plus de miracle ou de guérison, mais il annonce sa mort à venir, et fait route vers Jérusalem, vers le Mont Moriah, vers le sacrifice ultime. Celui qui était préfiguré par tous les autres. C’est Dieu lui-même qui donne son Fils… l’agneau pascal.

Dans le Christ, qui s’est donné pour nous, nous pouvons aussi nous nous donner au Père. Dans un sacrifice de louange, d’action de grâce, pour nous offrir à Dieu de qui nous tenons la vie, pour que notre vie trouve encore plus de plénitude et de complétude en lui, en nous consacrant à lui, en lui remettant toute notre existence, Non pas pour la mort, mais pour la vraie vie, pour une vie qui plaise à Dieu et lui rende gloire. 

Textes du jour : Genèse 22, 1-18 / Romains 8, 31-34 / Marc 9, 2-10