Est-ce que vous avez déjà eu faim ? Pas juste le ventre qui gargouille, mais vraiment la faim qui prend toute la place, la faim qui fait se sentir vide, sans aucune force, la faim qui touche à la santé. Quand on voit les photos qui nous parviennent parfois des ONG actives en Afrique ou au Yémen, et d’ici peu dans la bande Gaza, vous avez peut-être aussi en mémoire ces images et combien la faim peut faire des ravages. On est souvent saisi de compassion devant ces photos d’enfants qui meurent de faim. Ce qui est vrai de la faim physique, l’est aussi de la faim spirituelle. L’absence de nourriture physique entraine la mort du corps. L’absence de nourriture spirituelle entraine la mort de l’âme.
Lorsque Jésus sort de la barque, le voilà à nouveau confronté à la foule qui l’a suivi malgré son désir de se mettre à l’écart. Et Jésus est ému de compassion en les voyant. Le mot utilisé est relatif aux entrailles, Jésus est touché de miséricorde, dans ses tripes, en voyant cette foule. Il est ému parce que qu’elle est comme un troupeau sans berger. Un troupeau sans berger est en détresse, en péril. L’une des tâches du berger c’est de conduire son troupeau sur les bons pâturages pour le nourrir. Là cette foule et comme un troupeau sans berger, personne ne la conduit et personne ne la nourrit. Elle va dépérir si personne ne s’en occupe. Jésus va commencer à les nourrir. Mais pas d’abord avec du pain. Lors de l’épisode de la tentation, lorsque Jésus aussi avait faim et que le diable lui a proposé de transformer les pierres en pain, Jésus a répondu : « L’homme ne vivra pas de pain seulement mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Jésus va appliquer ce verset. Il ne va pas d’abord les nourrir de pain. Mais il va les nourrir de sa Parole. La citation de l’Ancien Testament disant : « l’homme vivra des paroles qui sortent de la bouche de Dieu » Ici Jésus va les enseigner avec les paroles de sa propre bouche, une manière pour l’Evangile de nous dire subtilement que Jésus est Dieu. Jésus va les enseigner, et les enseigner longuement.
Ce troupeau sans berger, peut-être depuis longtemps, a besoin d’être nourri de la parole de Dieu longuement. Et voilà les disciples qui arrivent pour faire remarquer à Jésus qu’il est tard, et qu’il serait temps de renvoyer les foules. Est-ce que les disciples ont le souci des foules ? Je n’en suis pas sûr. Je pense plutôt qu’eux-mêmes ont faim, mais pas de la Parole, plutôt de pain.
Ce qui me fait dire ça c’est le premier verset de notre passage qui rapporte qu’avant de débarquer ici, ils ont passé déjà beaucoup de temps avec cette foule et que : « l’on n’avait même pas le temps de manger. » Les disciples veulent passer à table. Mais ils n’ont pas le souci de nourrir la foule ni spirituellement, ni physiquement d’ailleurs.
Jésus leur dit cette phrase très forte : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. Physiquement ou spirituellement ? Sans doute que Jésus veut dire les deux. Mais les disciples ne comprennent que physiquement. Et tellement matériellement que ce qui les inquiète surtout c’est combien ça va coûter. Et… peut-être, s’ils ont faim, ils n’ont peut-être pas tellement envie de partager les pains et poissons qu’ils ont. Jésus va faire ce miracle de la multiplication des pains pour nourrir 5000 hommes. On voit Jésus commencer par les nourrir par sa Parole. Mais ne reste pas dans un discours désincarné.
Il prend aussi en compte la réalité. Oui ils ont très faim d’enseignement, mais ils ont aussi faim de nourriture. Et Jésus opère le miracle.
Ce miracle ouvre en même temps sur le futur, en préfigurant la Sainte Cène, et la Sainte-Cène va éclairer le sens de la multiplication des pains.
Le texte de la multiplication des pains reprend d’ailleurs les mêmes verbes :
- Il prit le pain
- Il le bénit
- Il le rompit
- Il le donna
Jésus a nourri l’esprit de ses auditeurs par son enseignement. Il a nourri leur ventre par le pain Mais il les prépare à une autre nourriture qui va venir : celle de son corps et de son sang dans l’offrande de la Sainte Cène. Pourtant là Jésus ne dit rien en donnant le pain. Il garde le silence… Il prit le pain, le bénit, il rompit et le leur donna…. On s’attendrait à ce que Jésus dise : ceci et mon corps, livré pour vous. Mais non, lors de la multiplication des pains Jésus n’ajoute rien. Il garde le silence car c’est encore trop tôt. Dans ce silence il garde dans son cœur ce qu’il dira plus tard…
« Ceci est mon corps… » Voici donc qu’est déjà préfigurée la Cène, le repas qui nourrit l’âme du croyant. Jésus a nourri le corps par le pain physique, il a nourri l’esprit par le pain de son enseignement, et il nourrira l’âme par le pain de son corps donné dans la Cène.
Cela nous ouvre à la contemplation : Jésus-Christ, notre Dieu, se donne lui-même.
C’est sa vie qu’il donne pour nous faire vivre. C’est sa vie qui se diffuse en nous lorsque nous le recevons. Et nous pouvons dire avec l’apôtre Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ en moi. »
Textes du jour :
Exode 16, 4-7 et 31-35 / 1 Corinthiens 11, 23-26 / Marc 6, 31-46